Architectures cristallines évanescentes, cités désertiques morcelées, espaces immatériels labyrinthiques, paysages brumeux et forêts pétrifiées, trouées lumineuses et portes symboliques…à travers une thématique visionnaire où se mêlent apparitions, impressions et sensations réellement vécues ou rêvées, Pierre Gauthier-Dubédat nous livre une œuvre sensible et poétique en cohérence avec la vitalité de son univers intérieur.
  Largement tributaire de ses multiples imprégnations visuelles, sa puissance créatrice s’accomplit aujourd’hui dans ses retrouvailles avec la terre basque qui lui permet de renouer avec ses racines mais surtout d’établir des liens secrets avec son environnement immédiat tout en cultivant ses souvenirs et son imaginaire.
  Ainsi naît une sorte d’osmose dans laquelle l’harmonie du paysage répond à celle de son chromatisme, où rythmes et couleurs échangent des correspondances plastiques et sensitives, tant il est vrai que l’homme se confond avec son art auquel il consacre toute sa vie.
 
 Evoluant sans cesse entre figuration et non-figuration, l’œuvre de Pierre Gauthier-Dubédat – qu’il s’agisse de peintures, gravures, aquarelles ou pastels – est le fruit d’un parcours artistique insigne : expressionnisme expansif et énergique, figuration cosmogonique elliptique, puis onirisme symbolique et visionnaire mêlant esthétique et réflexion métaphysique…
 Depuis les années 90, en évacuant totalement la figuration humaine au profit d’une plus grande autonomie du langage plastique, Pierre Gauthier-Dubédat s’est définitivement orienté vers un art allusif, universellement intelligible. Cessant ainsi de peupler son monde imaginaire de ses silhouettes hésitantes, son interrogation permanente s’est alors amplifiée, trouvant dans la non-figuration et le « paysagisme abstrait », les bases formelles d’une méditation eschatologique.
 
 Si elle s'écarte ainsi de la représentation, chacune des œuvres de l’artiste est en réalité en concordance avec le réel, avec le paysage et les éléments naturels dont il tente de restituer une perception originale et subjective.
 D’ailleurs, au même titre que celles d’un Bazaine ou d’un Manessier, la peinture de Pierre Gauthier-Dubédat n’est jamais totalement abstraite puisqu’elle revendique sans cesse, même sans images formelles, l’« incarnation » du réel. Et les titres de ses toiles, également lyriques, participent directement de cette intériorisation du paysage : donnés après réalisation, ils ne signifient nullement une référence à un spectacle particulier, mais la nécessité pour l’artiste de marquer, sur le mode de la métaphore poétique, le lien indéfectible unissant son œuvre non-figurative à la nature dont elle est issue.
 
          Née dans la pudeur et le silence, discrètement mûrie dans l’humilité, chacune de ses oeuvres communique au spectateur un sentiment éloquent d’intimité voire d’intériorité.
   Aussi, son art réalise-t-il, en un accord total, l’union féconde du vaste monde réel et de ce qu’il y a de plus intime, de plus secret, de plus implicite, mais surtout, de plus prégnant en l’homme : ses propensions sensibles et ses pensées existentielles…
   Et c’est là peut-être que se situe le véritable talent de Pierre Gauthier-Dubédat : dans la production d’une œuvre sincère et lyrique, où l’imagination du spectateur peut évoluer librement et partager avec l’artiste lui-même, aussi bien ses sentiments que le plaisir de la création.
 
 
Marie-Laure Larraburu
Historienne de l’art
Auteur du mémoire de Maîtrise L’œuvre peint de Pierre Gauthier-Dubédat