Marqué du souvenir heureux et tendre de son enfance au Pays-basque, de la découverte, déjà lointaine, du Pérou, de son séjour au Proche-Orient puis en Espagne, et par nombre d’auteurs mettant l’accent, par dessus tout, sur les beautés de ce monde et la nature complexe des sentiments et réflexions de l’Homme, Pierre Gauthier-Dubédat applique une végétation férocement féconde à des cimes dépourvues d’échelle terrestre, semblant vouloir porter Hermès ou Iris sur l’Olympe, ou au contraire épuise de toute une vie un paysage désormais éloquent de poussière et de silence.
 
            Les contrastes violents de noirs, bruns sombres, bleus violacés, verts acides ou encore rouges sanglants avec de pâles jaunes clairs, blancs crémeux, ocres chaudes ou oranges évanescents, provoquent tour à tour une trouble agitation, un saisissement soudain, une angoisse contenue puis enfin une douce et apaisante sérénité.
De même, les nombreuses verticales et obliques ascendantes, décrivant ça et là tours mystérieuses, ruines enchantées, scindent l’espace avec colère, invitant les sens à l’alerte tandis que les horizontales ou obliques descendantes, plus rares ici, et décrivant parfois quelque acropole ou cité oubliée, non moins pourvues de magie, appellent à une calme contemplation.
Souvent, l’artiste assoit brutalement de vertigineuses falaises au milieu desquelles un étroit sentier invite le spectateur à poursuivre, au delà des marges physiques de la toile, un voyage imaginaire où le sensible semble pourtant si réel...
 
            Odeurs de feuilles mortes et de fleurs mêlées, d’humidité, chants d’oiseaux, obscurité, fraîcheur, mais aussi parfums de Syrie ou de Castille en été où le thym sauvage se marie à la camomille et au ciste, chaleur léthargique, litanie du vent, lumière aveuglante s’emparent de nous avec autorité pour nous libérer quelques instants plus tard.
Ce même enlèvement s’opère dans notre esprit qui se voit soudain cheminer le long du purgatoire, espérant atteindre le paradis, tel Dante ; ou errer de contrées en contrées avec pour seul bagage la vérité de l’âme, tel Mani.
 
            Lyrique encore et par excellence, l’art de Pierre Gauthier-Dubédat, mais s’il peut parfois rappeler l’art de Nicolas de Staël, Soulages, Vieira da Silva, c’est de loin finalement, car il est par trop marqué d’un caractère affirmé et unique pour subir aucune influence déterminante. Il arrive aussi qu’il s’habille, et de manière étonnante, d’un futurisme fortement expressionniste où d’instables structures rocheuses et géométriques semblent s’abattre sur nous.
Lyriques définitivement, sont la manière, les paysages réinventés –selon les propres mots de l’artiste– et les sentiments et émotions que ce dernier parvient, avec une dextérité hors du commun, à faire naître en nous.
 
 
Marina Gauthier-Dubédat
Docteur en Histoire de l'Art
Spécialiste d'Art Contemporain